I - LE MUR
12 / 03 / 2011
OÙ COMMENCE L'ARCHITECTURE ?
CONFÉRENCE AU PAVILLON DE L'ARSENAL, 2011
1 - LE MUR
Premier acte, ce cours aborde la question de la limite qui est absolument essentielle à toute civilisation humaine, à l'image du simple sillon tracé par Romulus pour fonder la Rome antique. Le mur est un marquage instinctif de l'espace et une frontière qui permet à une intériorité d'exister. Des drapés pétrifiés de Francesco Borromini, aux parois sensuelles de Tadao Ando, ou aux murs de clôture obliques de Carlos Scarpa à San Vito d'Altivole : les enceintes expriment des réalités différentes. Celles dessinées par Louis Khan ou Mario Botta s'épaississent afin de bruisser de toutes les activités qu'elles réduisent au silence. Ailleurs, reprenant la leçon de Jeanne et Claude Christo, les façades fonctionnent comme des emballages qui n'informent en rien sur ce qu'elles renferment pour mieux en préserver le secret. "Nous allons chercher à savoir où commence l'architecture. Nous allons interroger les 4 événements fondamentaux de l'architecture : le mur, l'ouverture, la structure et le volume. Nous verrons à chaque fois pourquoi ces éléments fondamentaux, pourquoi ceux là est pas d'autres. Je vous donnerai des éléments pour comprendre, saisir ce choix. "
2 - L'OUVERTURE
La fenêtre ne peut pas être réduite à un simple percement : elle ouvre mais plus encore, elle est ce par quoi l'ouvert est possible. Elle pondère la puissance du mur qui sépare et qui ferme pour permettre au dedans d'entrer en relation avec le dehors. Carrée, rectangulaire ou ronde, elle cadre implacablement un fragment de territoire pour lui accorder le statut de paysage. Et, dans le même mouvement, elle dessine une scène pour les occupants. Elle fait aussi pénétrer la lumière jusqu'aux tréfonds les plus intimes de l'habitation. Elle la brise, la réfléchit, la filtre, pour mieux l'apprivoiser. "L'ouverture est un système en soi. C'est un dispositif totalement autonome qui permet de mettre en relation, de faire en sorte que les choses soient mises en liaison les unes avec les autres. Si le mur sépare, la fenêtre, au contraire, créée du lien. "
3 - LA STRUCTURE
La structure permet de s'élever en défiant les lois de la pesanteur. Elle est ce qui permet de s'opposer à l'éboulement, à la ruine, à l'indifférencié. Mais la structure en architecture ne se résume cependant pas à la structure constructive. Elle entretient des correspondances avec les nouveaux langages artistiques du vingtième siècle qui ont su faire surgir de multiples mondes inconnus jusqu'alors : les plans colorés de Cézanne, les trames noires de Mondrian, les parallélépipèdes juxtaposés de Malevitch, les accumulations d'Arman... "Mon propos c'est de parler de construction et de structure au sens le plus large. Construire ça veut dire aussi inventer des mondes et c'est sans doute en ce sens que je vais développer mon cours."
4 - LE VOLUME
Pour Le Corbusier l'architecture est le jeu savant correct et magnifique des volumes sous la lumière. En observant les natures mortes du siècle d'or hollandais, il est possible de comprendre l'impact que peut avoir le moindre volume sur l'espace. Plat d'argent qui détermine un sol ; alignement de ciboires et de coupes en cristal qui définit une limite poreuse et crée un rythme ; couteau négligemment posé dont la diagonale renforce l'impression de profondeur spatiale. Chaque forme, chaque volume possède le pouvoir d'orienter, de restreindre ou d'ouvrir l'espace. C'est là, sans doute, que se tient le vrai savoir de l'architecte : dilater, pour faire apparaître une salle beaucoup plus grande qu'elle n'est ; comprimer, pour pondérer la masse trop imposante d'un bâtiment, afin de donner à la ville une respiration, comme celle qui appartient en propre aux organismes vivants. "Si vous voulez comprendre l'architecture, l'important c'est d'arriver à développer une culture du voir et d'arriver à mettre en relation des formes, des espaces, des images peut-être même en évitant de trop facilement les nommer car, quelque part, la nomination tue cette pensée de l'espace, cette pensée du voir"