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TRANSFORMATEURS COLLECTEURS INCUBATEURS

CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2017

L’architecture ne doit-elle pas être considérée comme l’art de construire des mécanismes orthopédiques, des machines permettant aux hommes de se perfectionner et de persévérer dans leur être propre ?

Qu’est-ce qu’un musée, une bibliothèque, un théâtre, une salle de concert ? Qu’est-ce qu’un stade, une église, un monument, un tribunal ? Qu’est-ce qu’un marché, une école, un lieu de travail, un logement ? Nous considérerons d’emblée ces constructions comme des mécanismes chargés de nous aider à accomplir les actes fondamentaux de toute vie en société. D’abord, les transformateurs qui nous apprennent à voir, à lire, à nous mettre en scène, à écouter et ainsi à persévérer dans notre destin de sujet. Ensuite, les collecteurs qui nous invitent à nous rassembler pour être ensemble, méditer, nous souvenir ou juger afin que nous puissions mieux nous comprendre nous-même. Enfin, les incubateurs qui nous accompagnent discrètement dans tous les moments de notre vie quotidienne – au marché comme à l’école, au travail comme à la maison - pour nous souffler le mot à dire, le geste à accomplir.

MUSÉES

Samedi 28 janvier 2017

Les cabinets de curiosités sont peu à peu sortis du palais pour s’organiser comme des espaces pédagogiques autonomes permettant d’appréhender l’évolution des formes artistiques de chaque pays et de donner le sentiment d’appartenir à une culture nationale. Ils tendent aujourd’hui à sortir de ce cadre pour aider leurs visiteurs à constituer, comme autant d’André Malraux ressuscités, leur propre musée imaginaire.

 

Ainsi la fameuse Galerie du temps du Louvre de Lens, réalisée par SANAA en 2012, les plonge-t-elle dans un espace océanique où ils oublient chronologie et frontières pour tisser aléatoirement des correspondances entre des oeuvres appartenant à des époques différentes, des territoires éloignés. Ailleurs, le Guggenheim de Bilbao et la Fondation Vuitton de Frank Gehry accueillent des pèlerins venus du monde entier afin de leur permettre de développer leur potentiel imaginatif. Ce sont aussi des temples présentant des oeuvres singulières et non-reproductibles capables de réenchanter un monde d’ersatz et de copies, désabusé et désacralisé.

BIBLIOTHÈQUES

Samedi 18 février 2017

Si les musées contemporains se proposent comme des containers immergeant leurs visiteurs dans un univers de formes pour suppléer à l’épanouissement de leur imaginaire, les bibliothèques peuvent être considérées comme de véritables mécanismes orthopédiques favorisant la réflexion.

 

Louis-Etienne Boullée imaginait sa bibliothèque comme un amphithéâtre de livres d’où le monde pouvait être lu et comme une scène montrant des savants en train de débattre ou d’écrire. Tandis qu’à Exeter, Louis Kahn propose une vision dualiste où l’espace lumineux du savoir s’oppose à celui, sombre et silencieux, de la révélation. Des questions de lumière et d’ombre qui prennent moins d’importance avec Rem Koolhaas. Son projet pour Jussieu se donne comme un sol unique et continu, un parcours initiatique scandé de nombreuses séquences programmatiques : auditoriums, magasins, espaces de détente... Quant à son projet pour la TGB, il s’affirme comme un espace cérébral dont les salles de lecture s’étirent comme des neurones pour connecter les zones de conservation. Mais la bibliothèque est aussi un équipement à la recherche de son identité, renommée médiathèque puis Learning Center ou simplement troisième lieu, elle tend à s’affirmer comme un entre-deux neutre favorisant le développement des individus en les libérant simplement des obligations de l’université ou du bureau, comme de celles du logement.

THÉÂTRES

Samedi 11 mars 2017

Ni esthétique, ni pédagogique, la machinerie théâtrale est essentiellement politique. Dans le monde grec, les habitants d’une ville entière venaient cycliquement s’assoir en demi-cercle au creux d’une colline pour être confrontés à la condition tragique de leur existence avant de reprendre leur place dans la cité.

 

Ailleurs, les dispositifs complexes construits au XVIIIe siècle à Paris, Nantes ou Lyon associeront étroitement théâtre et place publique de manière à ce que les spectateurs puissent, une fois la représentation terminée, jouer leur propre rôle sur une scène ouverte face à la ville. Une mise en abyme parfaitement analysée et réactivée par Christian de Portzamparc dans son projet malheureux pour l’Opéra de la Bastille. Où un cadre de scène babylonien, à l’échelle de la place et de la capitale, maintenait d’immenses portes coulissantes pour mettre en scène la foule à la fin des spectacles. Jørn Utzon dans la baie de Sydney,Snøhetta dans le fjord d’Oslo ou Rafael Moneo entre l’embouchure dufleuve et la plage de Saint-Sébastien sauront jouer sur des contrastes puissants mettant en scène leurs lieux de la parole et du chant dans des paysages totalement décalés.

PHILHARMONIES

Samedi 1 avril 2017

Les philharmonies s’apparentent à des laboratoires où se font des expériences sur un nouveau type de confort, le confort acoustique qui apparaît maintenant comme essentiel à la fois dans la conception des logements comme dans celle des villes.

 

Ainsi, Jean Nouvel à la Philharmonie de Paris parvient-il à isoler sa salle des bruits du périphérique tout en lui conférant une atmosphère enveloppante associant intimement clarté et réverbération. Cette salle, comme celle de la Philharmonie de Hambourg d’Herzog et de Meuron, témoigne d’un nouveau rapport à la musique répondant aux exigences d’un public qui ne se rend plus aux concerts par devoir social mais par choix personnel. La configuration de ces espaces implique que désormais les auditeurs ne soient jamais très éloignés de l’orchestre, comme si ce dernier ne jouait que pour chacun d’eux. La philharmonie apparaît ainsi comme une salle d’entraînement permettant au sujet contemporain de développer ses capacités d’écoute et de différentiation des sons sans pour autant être soumis aux rituels sociaux qui s’attachaient jadis à ce type d’expérience.

COMMUNITY RELOADED

CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2018

Quel est le rôle joué par l’architecture d’aujourd’hui dans la manière dont la communauté se reconstitue et se représente à elle-même? Nous aborderons cette année les dispositifs architecturaux qui lui permettent en permanence de se refonder, de se recharger, comme on recharge un mobile ou un ordinateur.

 

Cette édition 2018 de l’Université populaire du Pavillon de l’Arsenal propose de regarder différemment les grands équipements qui scandent la vie collective. Au-delà des fonctions spécifiques pour lesquelles ils ont été conçus, nous les étudierons comme des dispositifs permettant la transformation des foules d’individus dispersées en communauté.Nous aborderons d’abord les grands réceptacles - arènes et stades - ainsi que les lieux de passages - gares et aéroports - où les foules se pressent et se croisent en flux continus.

Puis les tribunaux où l’on sépare ceux qui sont exclus de ceux qui restent intégrés. Enfin les cimetières, ces enclos silencieux disséminés à la périphérie des villes, où sont conservées religieusement les reliques des citoyens disparus et qui composent l’envers terminal des théâtres d’agitation permanente. Donner aux foules rassemblées un sentiment d’appartenance à une humanité transcendante ; organiser des espaces de frictions, d’informations, de rencontres et d’échanges ; exclure une certaine partie de la population pour mieux en faire prospérer une autre. Accorder à chaque membre de la société, même le plus infime, son droit à l’immortalité. Tel est le programme de survie de la communauté laïque - constamment actualisé par les stades, les gares, les tribunaux et les cimetières - que nous analyserons durant ce cycle de cours.

ARÈNES

Samedi 20 janvier 2018

Au-delà des grandes manifestations sportives ou musicales qui s’y déroulent, les stades peuvent être considérés comme de puissants générateurs de sentiment communautaire. Deux types distincts d’édifices répondent à ces lieux de rassemblements où s’expriment parfois violemment de profonds antagonismes. Les premiers, dionysiaques, jouent délibérément avec l’énergie générée par l’enthousiasme et l’affrontement des spectateurs. Ils se proposent comme des constructions de forme elliptique.

 

Ainsi les stades dessinés par Herzog et de Meuron se présentent-ils comme des instruments de musique aidant la transformation des cris et des hurlements en une clameur unitaire, afin de permettre à la foule de s’appréhender comme une communauté fusionnelle. Les seconds, apolliniens, tendent au contraire à assimiler l’arène à un théâtre, à un espace ouvert et intégré à la ville. Refusant l’ellipse, les constructions conçues par Gregotti, Nouvel et autres Souto de Moura, déclinent les possibilités du rectangle et brisent volontairement l’unicité organique des formes circulaires pour permettre au public d’assister aux manifestations sportives sans entonner fatalement le cri primal par lequel la communauté renaît à elle-même.

PORTES

Samedi 10 février 2018

Que représentent exactement les gares que nous empruntons quotidiennement pour faire le va-et-vient entre logement et lieu de travail, ou, plus périodiquement, pour basculer de l’ici de la vie de tous les jours vers l’ailleurs de destinations lointaines ? Quels sont ces lieux où la foule se condense pour passer d’un monde à l’autre. Ces entre-deux propices à des échanges inattendus, des attouchements involontaires, des bousculades intempestives où s’esquisse une communauté plus aveugle et plus charnelle que celle entrevue dans le stade.


Doit-on les assimiler à des cathédrales ? Comme la canopée de verre pensée par Patrick Berger qui permet aux voyageurs des plus lointaines communes de l’agglomération parisienne de rejoindre la capitale. À des vols d’oiseaux ? Comme les tours de force structurels de Calatrava à Liège et à New York. À des tours de Babel inversées ? Comme le projet de Kengo Kuma pour la station Saint-Denis Pleyel du Grand Paris Express...
Mais nous nous pencherons aussi sur les aéroports. Ces espaces où tout semble conçu pour que le public puisse se sentir à l’aise, se relaxer, se déstresser, se dénuer de toute agressivité. Comme s’il s’agissait de rejoindre, pendant quelques minutes, une communauté édénique où tous les conflits sont dénoués, où tous les désirs sont comblés.

PALAIS DE JUSTICE

Samedi 3 mars 2018

Comment aborder l’espace où la communauté se refonde dans l’exclusion des individus qui en ont enfreint les règles ? Est-ce le lieu d’une justice dernière, comme semble l’affirmer de manière critique Jean Nouvel dans son tribunal de Nantes, où les juges descendent des cieux pour rejoindre des prévenus qui sortent de terre ? Ou d’une justice tribale, comme le suggèrent les huttes suspendues conçues par Richard Rogers à Bordeaux ? Un hôpital ?


Comme les pavillons de Christian de Portzamparc à Grasse. Un hôtel de luxe ? Comme semblent le suggérer les deux lames coulissantes de Frédéric Borel à Narbonne qui dessinent un atrium renvoyant aux palaces de John Portman. Ou une tour constructiviste interpellant violemment le ciel ? Comme celle que vient d’achever Renzo Piano aux Batignolles pour le nouveau Tribunal de Grande Instance de Paris...

 

NÉCROPOLES

Samedi 24 mars 2018

Le cimetière d’aujourd’hui peut être considéré comme une ville des morts, comme l’envers de la ville des vivants. C’est la grande leçon du Père Lachaise, cet ensemble urbain uniquement composé de monuments. Mais que reste-il du monde après la mort ? Celle de n’importe quel individu n’annonce-t-elle pas toujours, comme un spectre, celle de l’humanité entière ?

Cette question oppose les architectes contemporains. Scarpa, Aldo Rossi ou Paola Chiarante répondent par la métaphysique, en affirmant une architecture éternelle et indépendante de toute existence humaine, à l’instar de la géométrie de Platon. Ainsi les cimetières de San Vito d’Altivole, de Modène ou la nécropole de Nice se proposent comme des constructions archétypales sortant du sol par césarienne : mastaba, cube ou terrasse en étoile... Tandis que d’autres, plus réalistes, tendent au contraire à mettre en scène une nature glorieuse reprenant ses droits bafoués par la pire espèce de parasites. C’est la leçon des pierres éparpillées dans la forêt de sapins du Cimetière des Bois de Gunnar Asplund à Stockholm, de la vallée de restanques creusées de tombes de Miralles et Pinós à Igualada en Catalogne ou des collines découpées par Marc Barani au-dessus de Roquebrune-Cap-Martin...

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