I - LE MUR
12 / 03 / 2011
OÙ COMMENCE L'ARCHITECTURE ?
CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2011
Où commence l'architecture ? Commence-t-elle avec le mur, qui détermine de manière brutale une intériorité ? Ou avec l'ouverture, qui régule les relations entre l'intérieur et l'extérieur ? Commence-t-elle avec la structure, qui ordonne et organise ? Ou, au contraire, avec le volume qui seul sait exprimer la pesanteur, la présence ?
Mur, ouverture, structure, volume - ces 4 éléments correspondent à 4 actes spatiaux fondamentaux : limiter, cadrer, hiérarchiser, informer…
LE MUR
Samedi 12 mars 2011
Nous aborderons la question de la limite dont Régis Debray nous rappelle, dans Critique de la raison politique, qu'elle reste absolument essentielle à toute civilisation humaine : à l'image du simple sillon tracé par Romulus pour fonder la Rome antique et, en retour, la civilisation européenne. Le mur sera d'abord analysé comme un marquage instinctif de l'espace et comme une frontière qui permet à une intériorité d'advenir : maison, ville, pays...
Drapés pétrifiés de Borromini, parois sensuelles d'Ando, murs de clôture obliques du cimetière de Scarpa à San Vito d'Altivole : ces enceintes expriment avec un certain pathos des réalités parfois idylliques, parfois vénéneuses. D'autres se décomposent, se vitrent uniformément ou se fragmentent, pour renoncer à assurer toute fonction de fermeture ; tandis que celles dessinées par Louis Khan ou Mario Botta s'épaississent afin de bruisser de toutes les activités des espaces intérieurs qu'elles réduisent au silence. Ailleurs, reprenant la leçon de Christo, les façades fonctionnent comme des emballages et n'informent en rien sur ce qu'elles renferment pour mieux en préserver le secret.
L'OUVERTURE
Samedi 2 avril 2011
La fenêtre ne peut pas être réduite à un simple percement : elle ouvre mais plus encore, elle est ce par quoi l'ouvert est possible. Elle pondère la puissance du mur qui sépare et qui ferme pour permettre au dedans d'entrer en relation avec le dehors. Carrée, rectangulaire ou ronde, elle cadre implacablement un fragment de territoire pour lui accorder le statut de paysage. Et, dans le même mouvement, elle dessine une scène pour les occupants. Elle fait aussi pénétrer la lumière jusqu'aux tréfonds les plus intimes de l'habitation. Elle la brise, la réfléchit, la filtre, pour mieux l'apprivoiser. "L'ouverture est un système en soi. C'est un dispositif totalement autonome qui permet de mettre en relation, de faire en sorte que les choses soient mises en liaison les unes avec les autres. Si le mur sépare, la fenêtre, au contraire, créée du lien. "
LA STRUCTURE
Samedi 14 mai 2011
La structure permet de s'élever en défiant les lois de la pesanteur. Elle est ce qui permet de s'opposer à l'éboulement, à la ruine, à l'indifférencié. Mais la structure en architecture ne se résume cependant pas à la structure constructive. Elle entretient des correspondances avec les nouveaux langages artistiques du vingtième siècle qui ont su faire surgir de multiples mondes inconnus jusqu'alors : les plans colorés de Cézanne, les trames noires de Mondrian, les parallélépipèdes juxtaposés de Malevitch, les accumulations d'Arman... "Mon propos c'est de parler de construction et de structure au sens le plus large. Construire ça veut dire aussi inventer des mondes et c'est sans doute en ce sens que je vais développer mon cours."
LE VOLUME
Samedi 18 juin 2011
Pour Le Corbusier l'architecture est le jeu savant correct et magnifique des volumes sous la lumière. En observant les natures mortes du siècle d'or hollandais, il est possible de comprendre l'impact que peut avoir le moindre volume sur l'espace. Plat d'argent qui détermine un sol ; alignement de ciboires et de coupes en cristal qui définit une limite poreuse et crée un rythme ; couteau négligemment posé dont la diagonale renforce l'impression de profondeur spatiale. Chaque forme, chaque volume possède le pouvoir d'orienter, de restreindre ou d'ouvrir l'espace. C'est là, sans doute, que se tient le vrai savoir de l'architecte : dilater, pour faire apparaître une salle beaucoup plus grande qu'elle n'est ; comprimer, pour pondérer la masse trop imposante d'un bâtiment, afin de donner à la ville une respiration, comme celle qui appartient en propre aux organismes vivants. "Si vous voulez comprendre l'architecture, l'important c'est d'arriver à développer une culture du voir et d'arriver à mettre en relation des formes, des espaces, des images peut-être même en évitant de trop facilement les nommer car, quelque part, la nomination tue cette pensée de l'espace, cette pensée du voir"
OÙ VA L'ARCHITECTURE ?
CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2012
Comment comprendre l'architecture qui se construit aujourd'hui ? Contrairement à celle de la période classique, elle ne cherche plus à nous imposer un monde stable et immuable, à jamais fondé sur un sol, sous un ciel. Contrairement à celle de la période moderne, elle se refuse à nous promettre un avenir radieux. Et, oubliant la nostalgie post-moderniste, elle se moque souvent des références. Elle témoigne d'un gai savoir sans complexe, ni certitude.
Ce cours reviendra sur les 4 des nombreux principes esthétiques qui semblent gouverner aujourd'hui la production architecturale en lui permettant de répondre aux problèmes spécifiques de notre contemporanéité. Quatre principes qui ne convergent pas (comme les cinq points de Le Corbusier) pour mener Vers une architecture. Au contraire, leurs divergences garantissent la diversité formelle des bâtiments qui poussent partout autour de nous.
LE FRAGMENT
Samedi 21 janvier 2012
Le mouvement moderne était littéralement hanté par l'idée de montage, de mécanisme, comme en témoignent les "Machines à habiter" de Le Corbusier. Notre époque, celle du 11 septembre, est plus fascinée par la destruction. Pour l'homme ou la femme d'aujourd'hui, les choses sont souvent intéressantes parce qu'elles se présentent comme des objets brisés, cassés. Des objets humiliés qui renoncent à s'affirmer comme beaux pour mieux porter insidieusement en eux la promesse de la beauté. Ce cours peut être considéré comme une introduction à l'oeuvre de Christian de Portzamparc dont la plupart des réalisations se composent d'accumulations d'objets disloqués capables de susciter de nouveaux imaginaires urbains. Fragmentation et dislocation permettent aussi d'aborder le travail de Bernard Tschumi.
L'ENVELOPPE
Samedi 11 février 2012
Roland Barthes soulignait dans "L'empire des signes" que l'art du cadeau japonais se résume à un art de l'empaquetage où le contenu importe moins que le contenant. Avant que Christo n'emballe le Pont-Neuf, Louis Kahn s'est attaché à contester l'idéologie de la transparence portée par les constructions modernes en édifiants des parois opaques et servantes autour de vides silencieux. À sa suite, Henri Ciriani a théorisé la façade épaisse alors qu'Yves Lyon et François Leclerc ont imaginé des "bandes actives" déportant à la périphérie des logements les activités les plus intimes. Les emballages colorés d'aujourd'hui poursuivent ces hypothèses. Comme s'il s'agissait de montrer que nous avons définitivement quitté l'espace ouvert de la Renaissance pour mieux plonger dans un monde à la fois plus archaïque - le monde fermé des sociétés traditionnelles - et plus futuriste, où les communications passent moins par la place publique et par la rue que par les Ècrans placés à l'intérieur des bâtiments.
LA MASSE
Samedi 10 mars 2012
Le volume reste au coeur de la problématique moderne, on se rappellera la définition de Le Corbusier : "L'architecture c'est le jeu correct et magnifique des volumes sous la lumière". Mais c'est la masse qui fascine les contemporains : tout ce qui est gros est beau ! Tout ce qui se situe à la limite de l'ingérable est atrocement désirable. C'est la masse dans ce qu'elle a de non-plastique, d'informe, de générique qui nous intéresse passionnément : toutes ces organisations qui se donnent comme des mondes en soi produisant leurs propres rituels, leurs propres codes mais aussi leur propre pathologie et leur propre dégradation La Bigness théorisée par Rem Koolhaas comme le projet de Jean Nouvel pour la future Philharmonie de Paris peuvent Ítre considérés comme des symptômes de ce nouvel état des choses.
LE MILIEU
Samedi 31 mars 2012
À la notion de lieu, qui semble fondamentale en architecture comme le rappellent la plupart des manuels et des livres díhistoire, tend à s'opposer aujourdíhui celle de mi-lieu. Elle renvoie à un espace libéré de la question de la représentation, un espace neutre ou "blanc" qui retrouve, sous la question culturelle de l'habiter, celle plus fondamentale du vivre, du respirer ... Cet espace trouve son expression emblématique dans les logements réalisés par Lacaton & Vassal, dans les substances spatiales colorées de James Turrel, comme dans les dispositifs conçus par Philippe Rahm qui cherchent à jouer directement sur le métabolisme sans agir sur la conscience.
QU'EST CE QUE L'ARCHITECTURE ?
CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2013
Et si l'architecture, du plus petit logement au plus grand lieu de rassemblement, avait essentiellement pour fonction de réaliser des espaces fermés et protecteurs. D'ouvrir des îlots de calme et de sérénité à l'écart d'un monde de bruit et de fureur. D'élaborer de complexes chrysalides qui incuberaient à l'intérieur d'elles-mêmes, d'autres mondes plus apaisés et plus sereins, comme autant de papillons prêts à l'envol.
Nous développerons cette définition de l'architecture en retournant dans les cavernes néolithiques et leurs peintures rupestres, les villas vénitiennes et leurs fresques bucoliques, les églises baroques et leurs paradis en trompe-l'œil ou les couloirs du métro tapissés des promesses de la publicité. De Leibniz à Virilio, de Benjamin à Sloterdijk, nous interpellerons les grands penseurs de la fermeture et de l'inclusion.
LA MONADE
Samedi 19 janvier 2013
Les chapelles rococos érigées dans des vallées perdues de Bavière voient leurs parois internes se froisser en de multiples plissements pour dessiner un monde plus profond et plus coloré que les champs entourés de montagnes qui s’étendent à l’extérieur. Elles illustrent la notion de «monade», théorisée par Leibniz au début du XV111e siècle, une entité «sans porte, ni fenêtre» qui contiendrait la totalité de l’univers dans les plis et les replis de son enveloppe. Nous visiterons ces espaces à la lumière de nos lieux contemporains, sécurisés et recouverts d’écrans vidéo, qui permettent à leurs occupants de s’extraire de l’ici et du là pour communiquer directement avec le très lointain.
L'ENVELOPPE
Samedi 11 février 2012
Nous suivrons les pérégrinations de Walter Benjamin dans les passages parisiens, ces lieux où l’espace urbain s’hypertrophie et se condense pour constituer des espaces cristaux. L'enclave, espace à la fois intérieur et extérieur, «dépasse» l’opposition du dehors et du dedans et promet un espace amniotique et fluide dans lequel les corps pourront enfin flotter. Il anticipe le monde protecteur de reflets et de transparences promis par Toyo Ito comme par Kazuyo Sejima.
LE BUNKER
Samedi 2 mars 2013
Le bunker apparaît comme un dispositif de protection maximale dont les murs ressemblent au toit et le toit aux fondations. Comme l’affirme Paul Virilio : en protégeant les hommes quand le sol même s’effondre, il témoigne d’un retour paroxystique aux valeurs fondamentales de l’architecture. Sans jamais chercher à se donner une quelconque visibilité, il sait s’affirmer comme une pure matrice permettant aux corps qu’il protège de parvenir à leur plein accomplissement, à leur pleine maturité.
LA BULLE
Samedi 23 mars 2013
Nous réinterrogerons l’architecture contemporaine à la lumière des textes du philosophe Peter Sloterdijk afin de regarder d’un autre oeil les condominiums et les gated communities venus d’Amérique et d’Asie comme les productions dystopiques des avant-gardes radicales des années soixante et les projets cyniques de Rem Koolhaas et de ses épigones. Nous opposerons aux impératifs d’ouverture et d’exposition ceux de fermeture et d’inclusion, afin d’imaginer comment penser la ville d’aujourd’hui en termes de monades urbaines et d’inventer d’autres lieux de partage, d’autres espaces communautaires.