I - LE MUR
12 / 03 / 2011
OÙ VIVRONS-NOUS DEMAIN ?
WORKSHOP SEMESTRE 8 QUATRIÈME ANNÉE 2022 GROUPE TRANSFORMATIONS
Où vivrons-nous demain ? Revenons sur l’enthousiasme de Michel Ragon quand il décrivait l’architecture héroïque de l’après-guerre qui cherchait à coloniser le ciel, le sous-sol et le fond des mers pour assurer la mainmise humaine sur les moindres recoins de la planète. Et essayons de reporter son regard exalté sur la ville et l’architecture d’aujourd’hui qui ne partagent pourtant plus les mêmes valeurs...
Revenons avec le même souffle épique sur les impératifs de densité, de compacité et de mixité qui cherchent à réduire l’étalement urbain et les déplacements. Revenons sur le rafraichissement, le rejet de la lumière et l’aération des voies, qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique... Sur la volonté d’oxygéner, de végétaliser, de rendre les sols plus absorbants pour mieux considérer les animaux comme des citoyens à part entière.
À l’aide de ces outils, des étudiants de quatrième année de l’ENSAPVS ont cherché à définir des stratégies capables de ranimer le centre historique de Rio de Janeiro. Un centre d’affaire monofonctionnel, rappelant ceux des villes d’Amérique du nord, qui malgré sa situation et la qualité architecturale de ses édifices - la plupart construits dans les années 50/60 - est aujourd’hui au bord de l’asphyxie. Il tombe chaque jour un peu plus en déshérence sous la pression des migrations des élites vers les quartiers ouest, la politique économique désastreuse de Jair Bolsonaro et la pandémie qui, avec le développement du télétravail, lui a porté un coup fatal.
Programmations festives, miroirs d’eau rafraichissants, courants d’air artificiels, couloirs écologiques, façades végétalisées, forêts urbaines, nouvelles constructions juchées sous les toits ou enterrées sous les voies, transformations partielles des plateaux de bureaux en logements, balcons et terrasses plantées : telles sont les solutions préconisées par la future génération d’architectes pour sauver ce quartier de l’abandon et de la léthargie...
LA VILLE SUR LA VILLE
HAJAR RACHDI & HUGO MARTINEZ
À l’origine cette équipe voulait accentuer le devenir américain de ce site en transformant l’Avenida du Rio Branco en un nouveau Times Square, avec des théâtres des cinémas et des écrans lumineux... Puis est venue l’idée de construire les salles de spectacle et les équipements au-dessus des immeubles existants de manière à poser la ville nocturne au-dessus de la ville diurne et de traiter au-dessus des entrées d’immeuble en rez-de-chaussée des entresols capables de distribuer ces nouvelles activités... Un exhaussement qui s’appuie sur des exemples existants dans l’avenue comme la masse opaque de l’auditorium qui vient couronner le Club des ingénieurs construit en 1946 par Jacques Pilon, 1946 ou les volumes élancés qui semblent posés sur le bloc qui s’aligne les façades de la rue réalisés par Paulo Condé en 1980 (Édifice Seculo Frontin) ou encore, mais cette fois à Sao Paulo, la piscine que Paulo Mendes da Rocha a posé sur un grand magasin existant pour le transformer en SESQ. Des volumes carénés et colorés qui habillent des structures en bois très légères viennent se poser sur les tours comme des sculpture sur leur socle pour modifier le skyline de la rue vu de la baie de Guanabara. Et invoquer les villes asiatique comme Shanghai ou Bangkok dont les sommets d’immeubles apparaissent la nuit comme d’énormes lanternes...
MARCHER SUR LES NUAGES
IMANE BENNANI & AMINA BOUKNEDDOUNI
Imane Bennani & Amina Boukheddouni sont parties d’une image glanée sur internet d’un projet de concours dérivé des supersurfaces réfléchissant les nuages de Superstudio. Elles ont d’abord proposé un montage conceptuel représentant des dalles miroirs recouvrant uniformément l’avenue. Puis elles ont cherché à donner une certaine réalité à cette image totalement désincarnée. Ainsi l’avenue est-elle recouverte de plaques de granit équipées sur lesquelles peuvent apparaitre et disparaitre des miroirs d’eau permettant de refléter le ciel, comme le font les flaques qui recouvrent les trottoirs de Rio et de toutes les autres villes après la pluie. Rependant les recherches de TVK pour la Place de la République et de Philippe Rahm pour le Parco Farina à Milan, elles ont imaginé, en ajoutant des brumisateurs et des masses d’arbres, un système permettant de faire baisser la température de quelques degrés en cas de forte chaleur. Puis elles ont appliqué ce principe aux logements en s’attaquant siège de la Banque du Brésil. Sa façade est déposée et remplacée par des cobogo - des moucharabiehs
composés d’éléments en terre cuite - qui laissent passer le vent. Derrière cette paroi ajourée, des grandes terrasses ouvertes sur la ville peuvent être inondées et rafraîchir l’air ambiant avant qu’il ne rentre dans les logements.
HABITER LES COURANTS D'AIR
THOMAS DIZIN & KARINVAJ JUDE GODWIN
Cette équipe est partie d’un collage : l’insertion d’une forêt équatoriale et de sa faune dans le canyon formé par les hauts immeubles de bureaux de l’avenue du Rio Branco. Une idée qu’elle s’est ensuite attachée à développer pour la rendre viable. Sous les frondaisons le sol est stabilisé tout en restant poreux, il n’est accessible qu’aux piétons. Quant-au tramway pourtant récent, il est supprimé et remplacé par un train suspendu comme celui de la ville de Wuppertal en Allemagne. Ce moyen de transport aérien dessert directement les centres commerciaux existants faisant office de socle pour certaines tours. L’ombre générée par la canopée permet de distiller une certaine fraicheur, cet apport d’air frais va servir de fil conducteur pour la réhabilitation des immeubles de bureaux en logements. Un expérimentation qui va prendre pour exemple l’immeuble de la Banque Nationale de l’Habitation construit en 1968 dont le corps central en béton est vidé de ses circulations afin que leurs gaines se transforment en cheminées permettant la ventilation des logements. Ces derniers occupant en partie les deux ailes, anciennement destinées aux plateaux de bureaux, s’ouvrent de part et d’autre sur des jardins d’accès desservis par des escaliers et des ascenseurs placés au-devant de la façade totalement ouverte sur la ville. Un dispositif qui permet à l’air frais de traverser l’espace planté et les habitations avant de s’engouffrer dans la tour d’aération, en donnant aux résidents l’impression d’habiter dans des courants d’air.
IMMEUBLES CONNECTÉS
GWILVEN LE GUILLOUX & ROBIN MILLET
Ces étudiants ont cherché à démultiplier les interfaces entre la voie et les immeubles qui l’entourent en créant des cours anglaises accessibles éclairants des sous-sols capables comme les rez-de-chaussée d’accueillir des commerces en prise directe sur la rue tandis que les entrées d’immeuble sont déportées dans les premiers étages. Des liaisons qui existent de manière sporadique sur l’avenue, on se rappellera notamment de l’impressionnante rampe circulaire qui relie les trottoirs aux boutiques en sous-sol dans l’immeuble Marquès de Herval des frères Roberto ou en face de lui des batteries d’escalators du centre commercial de l’Edificio Central d’Henrique Midlin. Mais ces liaisons sont ici généralisées et systématisées et concernent tous les immeubles de manière à créer des flux très denses. Une densité que l’on retrouvera dans les immeubles transformés en logements qui comporteront beaucoup de petits logements. Quant au trafic sur la voie, toutes les mobilités sont mélangées comme à Ouagadougou : les vélos et les camions, les piétons et les tramway, les fauteuils-roulants et les autos, les véhicules ne pouvant excéder 5 km/heure...
SOL MONUMENT
KILLIAN RIVAULT & THOMAS NODARI
Un projet beaucoup plus ambitieux visant à inséminer sous la voie des équipements qui viendront compléter ceux qui existent déjà dans le centre afin de donner à toute cette zone une indépendance totale réalisant l’idée de ville du quart d’heure théorisée par Carlos Moreno. Une médecine qui peut se révéler désastreuse quand on l’applique à Paris, les
parisiens s’appropriant déjà indûment des équipements destinés la région et au pays. Mais qui peut être très efficace pour revitaliser le centre d’une capitale déchue. Ainsi sous un sol accessible entièrement vitré mais planté et sur lequel le tramway pourrait circuler, viendrait se succéder les grands équipements sportifs et culturel qui manquent au quartier : piscine, centre de congrès... Sous ce sol de verre apparaîtraient d’abord en suspension les réseaux qui viendraient se connecter aux immeubles et en dessous : les auditoriums, les terrains de sports et les bassins...
Ce principe pourrait aussi s’appliquer aux logements. Ainsi des lofts viendraient s’immiscer entre les dalles de l’Edificio Central d’Henrique Midlin. Ces espaces habitables seraient uniquement déterminés par des sols et des plafonds servants équippes de câbles et de canalisations où les occupants pourraient librement connecter leurs sanitaires et leurs appareils électroménagers pour vivre chez eux comme des nomades...
Contrairement à Paul Maymont on ne circule pas dans les sous-sols. Comme les tours de logements et de bureaux, ils ont pour but de déverser une population dense et fluctuante sur la surface de verre : pour qu’elle se bouscule, se croise, se rencontre et prenne conscience d’elle-même. La ville ce n’est pas l’architecture ce sont les gens qui la vivent...
FELICHINA HADDAD & ZERIN CACAN
LA VILLE FERTILE
Contrairement aux autres étudiants, Felichina Haddad et Zerin Cacan ont remonté l’avenue à rebrousse-poil, en partant du port... Ce qui les a amenées à s’intéresser à l’immeuble A Noite construit en 1929 par Joseph Gire, la première tour en béton armé d’Amérique latine. Cet immeuble de 22 étages et de 125 mètre de haut dont les façades porteuses ont à la base plus d’un mètre d‘épaisseur donne le départ de l’avenue et a sonné l’ère du remplacement des maisons par des tours de bureaux. Il opère une rotation par rapport à l’alignement pour se placer devant la jetée où a été édifié il y a quelques années le musée de Santiago Calatrava et ses cils photovoltaïque.
Pour réorganiser la rue, ces deux étudiantes se sont assez peu occupées du sol qu’elles proposent simplement de daller uniformément. Elles ont cherché à l’unifier par le haut en donnant des règles concernant les couronnement des immeubles qui non pas été traités - souvent de simple parallélépipèdes coupés net -ou qui l’ont mal été, notamment l’immeuble de Joseph Gire dont le sommet ne parvient pas à égaler ceux des immeubles art-déco newyorkais. Elles proposent ainsi de les végétaliser de manière indépendante afin de créer une peau vivante et autonome qui n’infère pas sur l’aménagement intérieur pouvant indifféremment accueillir des bureaux ou des logements. Les plateaux éclairés par de petites fenêtres peuvent être partitionnés par un système de cloisons mobiles vitrées et des rideaux, de manière à obtenir des plans libres distribués par 3 noyaux de circulation, pour que ces appartements puissent paraitre aussi grands que ce que l’on peut facilement acheter à Barra da Tijuca... Les plans paysages à l’intérieur correspondent aux façades paysages à l’extérieur où des bacs tronconiques plantés sont fixés sur des consoles et sont placés selon des rythmes réguliers en fonction des modénatures de chaque immeuble et sont automatiquement arrosés de manière à composer une véritable forêt verticale, une travail qui sait intelligemment s’inspirer des expérimentations d’Édouard François. Les perspectives simulent la capacité de ce biotope à accueillir les oiseaux et à faire communiquer par les toits la ville des hommes avec la ville des animaux.