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MANIÈRE DE CONSTRUIRE DES MONDES

CONFÉRENCE AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2014

Cette année, nous commenterons quatre démarches d'architectes contemporains exemplaires exerçant en France. Nous reviendrons sur ces œuvres connues et reconnues pour en proposer de nouvelles interprétations, de nouvelles lectures. Nous chercherons, sous les projets et les discours, les concepts récurrents qui permettront d'appréhender sous un autre angle le déjà commenté, le déjà analysé. Ces quatre cours monographiques présenteront tour à tour les travaux de Christian de Portzamparc, de Jean Nouvel, de Lacaton & Vassal et de Dominique Perrault. Un cycle qui pourra se poursuivre les années à venir. D'abord en commentant la production d'architectes européens comme Rem Koolhaas, Renzo Piano, Zaha Hadid ou Eduardo Souto de Moura. Ensuite, en abordant celle d'architectes venus d'horizons plus lointains comme Frank Gehry, Peter Eisenman, SANAA ou Paulo Mendes da Rocha.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC : Entre mémoire et oubli

Samedi 18 janvier 2014

Les projets de Christian de Portzamparc semblent trouver leur origine dans la réminiscence, le souvenir, en réaction à la tradition du nouveau prônée par le mouvement moderne. Souvenirs d'espaces à la fois fermés et ouverts comme les jardins du Palais Royal ou la place Fürstenberg, promesses de plages se déployant à l'infini. Souvenirs plus archaïques encore, comme ces champs scandés de menhirs que l'on trouve encore en Bretagne. Comme si le geste architectural devait se rappeler et concilier en lui toutes les espèces d'espaces, sans restriction, depuis l'origine. Pourtant la rue des Hautes Formes, la Cité de la Musique ou la Philharmonie de Luxembourg, semblent hantées par la figure borgésienne du labyrinthe. Ainsi, à l'image de cette héroïne de la mythologie grecque qui défait la nuit ce qu'elle fait le jour, ces lieux de réminiscences se proposent aussi comme des pièges où l'on se perd et l'on s'oublie.
 

JEAN NOUVEL : Au commencement l'émotion

Samedi 8 février 2014

Jean Nouvel travaille sur la sensation, sur l'émotion. Il s'inscrit en ce sens dans une certaine tradition moderne qui cherche à influer sur la perception pour que les espaces créés puissent apparaître plus amples, plus accueillants qu'ils ne sont réellement. Mais il pervertit ce recours à la perception en préférant exagérer les ambiguïtés et les contradictions de ses constructions, en exploitant notamment la transparence et le reflet du verre qu'il emploie abondamment. Ainsi devant les parois vitrées de la fondation Cartier le spectateur ne sait plus si ce qu'il voit est devant ou derrière lui : vu à travers le verre ou réfléchi… Ailleurs surgissent des masses opaques et vénéneuses renvoyant au sublime, cette esthétique de la terreur invoquée par Boullée et théorisée par Burke… Comme si, à l'aube du troisième millénaire, le monde ne devait plus se plier aux lois de la raison, mais se donner comme un milieu incompréhensible et magique. Comme si l'architecture n'avait nullement pour tâche de nous aider à comprendre le réel ou à le rendre plus rationnel, mais de nous stupéfier sans cesse pour mieux le réenchanter.

LACATON & VASSAL : L'espace et son double

Samedi 1er mars 2014

Lacaton et Vassal semblent a priori s'intéresser à construire un maximum de mètres carrés de surface habitable au moindre coût pour déplacer le centre de gravité de l'architecture du qualitatif vers le quantitatif. Mais une opposition générative vient cependant organiser cette propension au plus de surfaces, au plus de volumes appropriables. Une opposition qui s'exprime de manière éclatante dans la maison à Coutras ou dans le récent FRAC Nord-Pas-de-Calais : celle d'un espace minimum et de son autre contradictoire. Elle renvoie à l'une des figures majeures de la mythologie occidentale : la figure du double. Caïn et Abel, Romulus et Remus, ou surtout Prométhée et Épiméthée, le héros de la raison et du progrès et son jumeau qui valorise la déraison et l'immobilité… Ainsi dans la plupart de leurs projets s'opposent : d'un côté, un espace strictement pensé et organisé qui pourrait s'inscrire dans la continuité du projet moderne ; de l'autre, un espace supplémentaire, un espace inassignable. D'un côté, l'espace du probable ; de l'autre, l'espace de l'improbable et des possibles.
 

DOMINIQUE PERRAULT : De la concision

Samedi 22 mars 2014

Dominique Perrault est surtout connu pour sa parfaite connaissance des matériaux et de leur mise en œuvre. Il pourrait apparaître comme le continuateur des constructeurs des années soixante dont l'élan a été brisé par l'émergence des architectes de 68 et du retour à la ville. Pourtant, la plupart de ses réalisations savent régler des questions urbaines souvent très délicates, comme en témoignent la Bibliothèque de France ou la Cour de Justice Européenne à Luxembourg. Sa démarche semble ainsi se caractériser par sa capacité à dessiner des solutions simples pour résoudre des problèmes complexes. Comme si le compliqué, l'inextricable et même l'ineffable, pouvaient trouver leur expression dans des formes claires et évidentes, sans pour autant être abusivement simplifiés.

MANIÈRE DE CONSTRUIRE DES MONDES II

CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2015

Après avoir analysé les œuvres de quatre architectes français, nous vous proposons cette année d'interroger les travaux de quatre équipes européennes : Rem Koolhaas, Herzog & de Meuron, Renzo Piano et Coop Himmelb(l)au. Des architectes étrangers qui restent à des titres divers des acteurs importants de la scène architecturale française et parisienne.

Nous commencerons par aborder l'œuvre du néerlandais Rem Koolhaas que nous regarderons comme un personnage faustien : préférant la vie, au savoir académique. Un homme qui a su assimiler très tôt le projet architectural à un collage ou à un assemblage d'activités préétablies. Ensuite l'œuvre de deux suisses de Bâle, Jacques Herzog et Pierre de Meuron, qui ont opéré une remontée aux sources en considérant tout édifice comme une enveloppe précieuse cadrant les gestes pour mieux les transformer en chorégraphie. Puis, le Milanais Renzo Piano, qui appréhende moins la construction en termes d'espace qu'en termes d'ambiance et milieu. Enfin Coop Himmelb(l)au, un groupe qui trouve son origine dans l'architecture radicale viennoise des années 60 (Hans Hollein, Haus-Rucker-Co) et qui a tenté de repenser l'architecture à partir du corps, ses rythmes, ses pulsations, ses spasmes.

REM KOOLHAAS : Action

Samedi 17 janvier 2015

Au commencement était l'action" : ainsi le Faust de Goethe traduit-il la première phrase de l'évangile de Saint Jean, remplaçant de manière impie "verbe" par "action". De même Rem koolhaas, encore étudiant, aura immédiatement compris, au-delà de l'espace et de la forme, l'importance des situations et des actions en architecture. L'éphémère mur de Berlin, plus que le Panthéon, la cathédrale gothique ou la Chandigarh de le Corbusier, luit vénéneusement comme une référence incontournable. Cette frontière hallucinatoire délimitait deux territoires programmatiques antinomiques- une zone d'abondance et une zone de pénurie- dont les porosités- les checkpoints- créaient, par leur animation fébrile, les lieux intenses d'un nouvel ordre urbain. Une scène traumatique qui sera transposée à l'infini dans toute son oeuvre, en autres exemples: dans une maison de luxe perdue dans la campagne hollandaise ou dans le projet non réalisé pour le Parc de la Villette à Paris, dans le futur campus Axel Springer à Berlin ou dans la casa da Musica de Porto...

HERZOG & DE MEURON : Transfiguration

Samedi 7 février 2015

Maison en pierres sèches dans une structure en béton brut, poste d’aiguillage habillé de lamelles de cuivre, immeuble de logements semblable à un buffet de bois poussé contre un mur : une imperceptible étrangeté permet d’accorder à ces constructions banales l’aura que Walter Benjamin réservait aux œuvres d’art . Comme si Jacques Herzog et Pierre de Meuron ressentaient le besoin irrépressible de transfigurer le bâtiment le plus trivial, et de faire de même pour les gestes qui s’y rapportent et finissent par s’apparenter à de véritables rituels religieux. Les habitants de l’immeuble de la rue des Suisses à Paris peuvent en témoigner, qui doivent lever les mains à angles droit et pousser leurs lourds volets de métal déployé, s’ils veulent les ouvrir ou les fermer, en imitant les personnages hiératiques de la peinture égyptienne. Il n’y a plus de maison, plus de poste d’aiguillage, plus d’immeuble de logements, plus de tour non plus … La Tour Triangle saura disparaître dans les nuages et réapparaître comme une montagne devant l’horizon. Plus qu’une construction, c’est un sol qui permettra aux Parisiens d’accomplir des pèlerinages vers des hauts plateaux d’où ils contempleront leur ville comme les habitants de Los Angeles peuvent, depuis Mulholland Drive, admirer la leur. 

RENZO PIANO : Disparition

Samedi 28 février 2015

Les réalisations de Renzo Piano semblent hantées par l’idée de disparition. Elles ne pèsent pas, ne s’imposent pas, ne pontifient pas, mais se proposent comme des ambiances douces et apaisées grâce aux qualités de leur lumière, de leur température, de leur acoustique. Des milieux ( à ne pas confondre avec des espaces) qui ne renoncent pas à se caractériser par des matériaux, des textures. Métal-, verre, bois, brique assemblés sans l’aide de ciment ni de mortier, se donnent comme des matières précieuses : minerais extraits des profondeurs du sol ; sables fondus à des températures infernales ; arbres déracinés et coupés à la scie ; pavés de terre crue, cuits au four comme des pains… Des constructions qui n’aiment pas les façades et qui semblent préférer se développer sur un seul niveau pour être poreuses de toute parts : ainsi le Centre Pompidou peut il être considéré comme une accumulation de rez-de-chaussée. Mais cette architecture qui apprécie le vide (toujours à ne pas confondre avec l’espace) et peut s’enfouir pour disparaître et d’oser impudiquement la forme, en témoignent le Centre Jean-Marie Tjibaou, le Parc de la Musique de Rome ou la fondation Pathé…

COOP HIMMELB(l)AU : Pulsations

Samedi 21 mars 2015

Né dans les années 60 dans le sillage des actionnistes viennois- des artistes considérant leur propre corps comme l’objet de leurs performances – Coop Himmelb(l)au s’interroge d’abord sur la possibilité d’une architecture qui amplifierait les flux corporels : respiration, pulsation cardiaque… Ils rejoignent ensuite le déconstructivisme - un mouvement international qui cherche à produire des bâtiments capables d’établir une distance critique entre la construction et les significations qui lui sont consubstantielles – et ils conçoivent dans ce cadre des édifices qui se présentent comme de pures accumulations, refusant de reconduire aveuglement la différentiation fondamentale entre éléments portés et éléments porteurs. Leurs (dé)constructions ne veulent plus affirmer servilement le dehors et le dedans, le devant et le derrière, le bas et le haut et cherchent même à s’affranchir des lois imprescriptibles – des programmes monumentaux, traités de manière fluide pour s’apparenter à des masses nuageuses – semblent pourtant opérer un retour au source et réactiver l’une des significations possibles de le leur nom : coopérative construire le ciel.

MANIÈRE DE CONSTRUIRE DES MONDES III

CONFÉRENCES AU PAVILLON DE L'ARSENAL 2016

Les architectes sont des auteurs à part entière au même titre que les peintres, les écrivains, les cinéastes. Comme eux, ils créent des mondes. Nous allons poursuivre l’exploration de leurs univers dans cette nouvelle série de cours. Des cours dont l’ambition est avant tout de faire de la culture architecturale une culture commune et partagée. Après avoir analysé les œuvres d' architectes français et européen nous vous proposons cette année d’interroger les travaux d'architectes venus d'autres continents qui ont réalisé ou simplement dessiné des projets pour Paris:

 

Deux Américains, Frank Gehry et Peter Eisenman; deux Japonais Kzuyo Sejima et Ryue Nishizawa et enfin une Irakienne vivant à Londres, Zaha Hadid. Ces architectes incarnent des manières très différentes d'aborder la discipline mais cherchent tous à repenser la ville, ainsi que les relations que l'architecture entretien à la construction, à la fonction et à l'usage.Frank Gehry, véritable Picasso de l'architecture, est sans doute l'architecte de ce début du XXIe siècle dont la démarche se rapproche le plus de celle de l'artiste en majesté. A l'opposé, Peter Eisenman plus abstrait, réfléchit dans des projets souvent introvertis aux multiples correspondances entre architecture et écriture. Kazuyo Sejima et Ryue Nishisawa, eux , reviennent sur la transparence de l'époque moderne pour lui donner une expression organique et réaliser des bâtiments diaphanes. Tandis que Zaha Hadid tend à accorder une échelle territoriale à chacune de ses oeuvres , même la plus urbaine et la plus modeste, pour mieux lui permettre d'exprimer les flux migratoires d'ampleurs diverses qui courent à la surface du globe. 

FRANK GEHRY : Forme

Samedi 30 janvier 2016

Sans doute l'architecte par excellence de la forme, il s'inscrit à l'articulation de la quête corbuséenne des objets à réaction poétique et de l'art du collage, de l'assemblage, de l'accumulation...Un amoureux des ustensibles les plus triviaux aussi, comme Claes Oldenburg avec lequel il a souvent collaboré, notamment pour la paire de jumelles agrandie de l'agence Chiat/Day à Santa Monica. Une démarche ludique et décompléxée qui peut paraître très proche de l'art contemporain et dans laquelle l'espace architectural et urbain européen tend à l'atrophie pour mieux s'apparenter au vide d'une scène, à la blnahcuer d'une cimaise. Une démarcge qui a su évoluer et subir de multiples mutations. Elle s'exprime aujourd'hui à travers des constructions qui s'apparentent souvent à des phénomènes naturels. Ainsi les soulèvements telluriques du Guggenheim qui surgissent de la vallée du Nervion à Bilbao ou les nuages de verre de la Fondation Louis Vuitton qui flottent au-dessus de la canopée du Bois de Boulogne. 

PETER EISENMAN : Traces

Samedi 20 février 2016

Si Gehry est l’architecte de la présence, sans doute pourrait-on considérer Peter Eisenman comme celui de l’absence. Ses projets dessinés, comme ses maquettes et ses réalisations expérimentales, renoncent obstinément à toute plénitude pour mieux mettre en exergue leurs contradictions.

Comme s’ils voulaient se libérer des valeurs transcendantales - fondation, surrection, intériorisation… auxquelles l’architecture est assujettie depuis son origine… Trames en rotation, strates superposées, cubes évidés et découpés : les formes s’autogénèrent dans une relative indifférence au contexte comme à l’usage. L’acte de construire est assimilé à la production d’un système de traces proche de l’écriture et qui rapproche le rôle de l’architecte de celui de l’essayiste ou du critique. Comme en témoigne sa collaboration avec le philosophe Jacques Derrida pour l’un des jardins thématiques du Parc de la Villette à Paris qui ne verra malheureusement jamais le jour

SANAA : Transparences

Samedi 12 mars 2016

Donnant une consistance organique à la transparance, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa proposent de dépasser l'opposition du vide et du plein par la production de compositions diaphanes qui savent subrepticement nous entourer sans jamais s'imposer. Des constructions qui renoncent à la forme pour s’apparenter à des milieux amniotiques dans lesquels les occupants ne sont pas placés mais plongés. Pas de portes, ni de fenêtres, pour le Rolex Learning Center de Lausanne : mais des collines et des vallées, comme si le relief alentour avait été aspiré dans une cloche de verre pour composer un étonnant paysage intérieur totalement dédramatisé. Ailleurs, la Galerie du Temps du Musée du Louvre-Lens s'apparente à un véritable dispositif orthopédique permettant l'immersion en apnée des visiteurs dans plus de 2500 ans de création artistique. Des réalisations qui semblent exprimer une connexion entre le Ma - l'espace/temps traditionnel japonais- et la Khôra, cet espace d'avant l'espace que Platon décrit dans le Timée. Une étendue sans qualification ni forme, une couveuse qui donne la possibilité à chacun de créer ses propres mondes. 

ZAHA HADID : Fluidités

Samedi 2 avril 2016

Prônant une autre forme de relève des architecture de la présence et de l'absence, Zaha Hadid a commencé par fragmenter la masse construite en une infinité de facettes colorées souvent trapézoïdales et infléchies. Ses premiers projets poussent ainsi à son paroxysme de la décomposition des volumes en surfaces initiées par Gerrit Rietveld et le Néoplasticisme. Des compositions empreintes d'une certaine fragilité et porteuses d'une puissance de dissémination radicale: en état d'explosion permanente, elles traduisent un univers labile en extension constante. Une fragilité à laquelle il sera ensuite remédié, dans la seconde partie de sa carrière, par l'utilisation d'un nouveau langage architectural basé sur des formes tendues et étirées rendant compte - mais d'une autre manière - de la même volonté de déconstruction de l'objet architectural. Dans un monde où la démographie s'oppose à la démocratie, le global du local, l'économique au politique, Zaha Hadid a su inséminer à même le territoire des formes fluides et anti-urbaines pour s'affirmer comme l'architecte, non du rassemblement et de l'échange, mais du nomadisme immobile, de l'exode, de la diaspora... 

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